Le Liban: Les d?fis de l?avenir. Le Liban, un mod?le meurtri?

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Un point de vue pour l’avenir du Liban qui a ?t? prononc? au S?nat Fran?ais par Dr Ghada El-Yafi,?le 25 septembre 2003. Il s’agit d’une analyse ??valoriser afin de?r?former ? fond la structure politique, ?lectorale, juridique et culturelle du Liban.

“Tant que le jeu et la structure politiques du Liban sont ? base confessionnelle, l’avenir du pays reste incertain. Construit sur un syst?me multiconfessionnel pour mettre en confiance les minorit?s, le mod?le libanais devait ?voluer avec le temps, vers la
consolidation du pouvoir d?mocratique, et donc la stabilit?. Or il n’en a pas ?t? ainsi.

Les entraves sont multiples. Elles rel?vent surtout de la structure d?mographique du pays, de certains vices du syst?me politique et du syst?me ?ducatif.

D’abord au niveau de la structure m?me du Liban. Celui-ci est parsem? d’une multitude de villages qui sont tr?s majoritairement uni confessionnels, donc plut?t ferm?s. Au fil du temps, l’exode rural a cr?? des agglom?rations plus diversifi?es, plus ouvertes et plus tol?rantes.

Le Liban n’a malheureusement pas su, ni pu, profiter de l’aspect positif de ce mouvement social et d?mographique car la loi ?lectorale veut que
le citoyen vote non pas selon son lieu d’habitation mais selon le lieu de son ?tat civil qui correspond habituellement ? son lieu d’origine. Ceci a eu pour cons?quence de renforcer la structure politique confessionnelle du pays et de consolider les rapports
entre citoyens et ?lus sur une base de clan, de confession ou de services personnels. Les ?lus, favorisant naturellement leur fief. Le d?coupage ?lectoral sans cesse variable d’une ?lection ? l’autre, ainsi que la d?saffection de l’?lectorat, sont ? la fois, la cause et la cons?quence, du malaise profond ressenti par la population face ? cette situation si peu d?mocratique.?

La part prise par les confessions dans la gestion de certains aspects du pouvoir, tel que par exemple, le statut personnel qui rel?ve de tribunaux confessionnels, n’est plus une participation, mais carr?ment une substitution au r?le de l’Etat. Si parmi les tribunaux d’exception, les tribunaux musulmans font partie int?grante de l’ordre judiciaire de
l’Etat, les tribunaux chr?tiens quant ? eux, ont une ind?pendance l?gislative et juridictionnelle totale. Ceci cr?e un climat d?in?galit? des citoyens et les rend encore plus d?pendants des chefs de leurs communaut?s respectives.

Toujours sur le plan confessionnel, les ?coles priv?e sont contribu? ? renforcer le clivage entre les communaut?s respectives. Avec le temps, elles ont r?v?l?, pour la plupart, une nette sup?riorit? de leur enseignement par rapport ? la majorit? des ?coles publiques, s’attirant ainsi une client?le de plus en plus importante. En l’absence d’une politique nationale ?ducationnelle claire, m?me si les programmes de l’instruction sont ?quivalents, les diff?rences dans l’approche de l’?ducation ont abouti ? des dissensions importantes o? la notion de citoyen a ?t? ?clips?e au profit de l’individu ? confessionnel
?.

Tout cela a contribu? ? l’exercice erron? du pouvoir. Au lieu de prendre en charge la gestion de l’Etat en vue d’assurer un meilleur avenir des citoyens tout en partageant les responsabilit?s, les repr?sentants des diverses communaut?s se sont acharn?s ? tirer profit au maximum de la manne de l’Etat pour en faire b?n?ficier leurs communaut?s respectives, mais en r?alit?, leurs co-religionnaires, de fa?on arbitraire et in?quitable, sans autre crit?re d’ailleurs, que les relations personnelles. Droit, qualifications et comp?tences sont rel?gu?s au second plan. Le reste de la communaut?, doit se satisfaire d’?tre
?confessionnellement? repr?sent?. Peu de tensions ou de dissensions sont relev?es, entre les communaut?s, tant que ce ?g?teau? est en croissance. Les frustrations apparaissent d?s qu’il commence ? r?tr?cir, car personne ne veut renoncer ? ses acquis.

C’est dans un tel contexte que la guerre a eu lieu, favoris?e par les divergences confessionnelles et atteignant des paroxysmes chez les groupes les plus sectaires et les plus ferm?s.
Au cours des 15 ann?es de guerre, les citoyens se sont trouv?s oblig?s de se d?placer vers leurs communaut?s respectives. Au lieu d’?voluer vers plus de coh?sion en se m?langeant comme cela aurait d? l’?tre, la soci?t? libanaise s’est ?sectaris?e?, et s’est ?ghetto?s?e ?. L’accord de Ta?f, s’il a pu arr?ter les combats, n’a pas r?ussi ? d?passer le confessionnalisme, comme cela y est clairement mentionn?. Il semble, au contraire, avoir consacr? le concept du partage confessionnel du ? g?teau ? et renforc? le pouvoir central.

La reconstruction ? la h?te du pays s’est polaris?e essentiellement sur son aspect ext?rieur. Les r?formes structurelles, ?ducatives, sociales et juridiques ont ?t? rel?gu?es au second plan. Treize ans apr?s la fin de la guerre, les probl?mes du pays se sont exacerb?s.

Sans porter un jugement sur la politique ?conomique qui n’est pas de mon ressort, je peux quand m?me en observer quelques-uns des r?sultats : chaque nouveau-n? a d?s sa naissance environ 10 000 euros de dette, l’industrie est d?cim?e, l’agriculture en souffrance, le ch?mage en progression, les salaires insuffisants, le co?t de la vie de plus en plus ?lev?, les imp?ts sans relation avec les services attendus, la s?curit? sociale d?faillante. Ceci accompagne bien s?r, un d?s?quilibre des classes sociales avec la disparition de la classe moyenne. Comme cons?quence, on assiste ? un accroissement des d?lits, une augmentation de la mendicit?, une propagation de la corruption et surtout l’?migration. Le confessionnalisme n’est pas en reste : Le ?g?teau? a r?tr?ci et chacun accuse l’autre d’avoir pris la grosse part !

Ainsi, au clivage vertical, confessionnel, de la soci?t?, s’est ajout? un autre clivage, horizontal, celui-ci : Les riches et les autres.

Peut-on sortir de l’impasse ? Oui, si les d?cideurs adoptent le principe de r?formes fondamentales et courageuses.

Les solutions doivent avoir un triple objectif : gu?rir des s?quelles de la guerre, d?velopper la coh?sion sociale, impliquer les citoyens dans les d?cisions de leur avenir. L’action doit ?tre imm?diate et simultan?e.

Mon premier point concerne la guerre. Il est indispensable de l’analyser objectivement, de l’exorciser, de rechercher et dire la v?rit? enti?re, m?me si elle est douloureuse, de faire une autocritique publique qui aurait pour effet de contribuer ? lib?rer les citoyens de tous les pr?jug?s et leur faire admettre que la guerre a desservi leurs int?r?ts. Parall?lement les ?coles et universit?s se pencheraient sur les imperfections de leurs syst?mes ?ducatifs qui n’ont pas ?t? capables d’emp?cher la guerre et la violence.

Mon second point porte sur l’?ducation. La coh?sion sociale passe d’abord par l’?ducation et l? on devrait agir sur 2 niveaux : Premi?rement, concevoir un syst?me qui permette d’?tablir des ponts entre ?l?ves de r?gions, de confessions ou de classes diff?rentes. Ceci servirait de base ? une ?ducation sur l’?galit? des droits et des obligations, et r?duirait les pr?jug?s sectaires et confessionnels. On inculquerait en m?me temps, l’id?e de libert? ?troitement li?e ? celle de responsabilit?. Deuxi?mement, il est indispensable d’adapter les programmes aux besoins. Si notre besoin essentiel, aujourd’hui, est de d?velopper la coh?sion sociale, il faudrait alors, enseigner un seul livre d’histoire du Liban depuis son origine ph?nicienne en passant par toutes les civilisations qui l?ont travers? et marqu? jusqu?? l??poque de la renaissance arabe la plus r?cente.Cela consacrerait son identit? arabe aussi bien dans les esprits que dans les textes. On introduirait, par ailleurs, aux programmes pr?vus, l’histoire et l’?thique des religions.

Mon 3e point concerne la participation et l’implication du citoyen aux solutions qui le concernent.

Il est indispensable de renverser le concept m?me d’? Etat ? pouvoir central fort ?. La loi ayant accord? l’autonomie administrative et financi?re aux municipalit?s, devrait ?tre appliqu?e dans son essence, tout en prenant les pr?cautions n?cessaires pour emp?cher le client?lisme local. Parall?lement, on accorderait aux citoyens l’initiative du choix de leurs priorit?s et de leur ex?cution, ? un petit niveau d’abord qui irait en s’accroissant, en encourageant la cr?ation d’associations de citoyens, entre eux ou avec les organismes publics. Ainsi, l’autonomie d?une part, la cr?ation d’associations d?autre part, les am?neraient forc?ment, ? coop?rer et ? tisser une toile sociale, sur un fond d’int?r?ts ?conomiques, ?cologiques et culturels communs. Les organismes publics auraient pour r?le celui d’expert, de guide et de soutien.

Pour r?aliser ces objectifs, deux conditions sont n?cessaires : l?ind?pendance de la justice et la r?forme du syst?me ?lectoral.

L’?volution de la d?mocratie et de la citoyennet?, ne peut se r?aliser que si les institutions sont prot?g?es des abus. Il est indispensable de lib?rer la justice du joug et de l?influence des hommes politiques et des chefs religieux. Ceci exige des r?formes politiques urgentes : A titre d’exemple, pourquoi ne pas octroyer au conseil sup?rieur de la magistrature l’exclusivit? de la nomination des juges ? Ceci contribuerait ? lutter contre la corruption et pourrait mettre un terme ? l’impunit? des politiciens. Dans ce m?me contexte, on pourrait ?voquer la n?cessit? d’amender certaines lois qui continuent ? faire une discrimination entre hommes et femmes.

Mais le moyen le plus accessible, ? courte ?ch?ance, d’arriver ? la d?mocratie serait d’instaurer un syst?me ?lectoral qui, tout en respectant, transitoirement, les quorums confessionnels et r?gionaux permettraient ? l’?lecteur de se lib?rer du carcan des clans et de leur pression. Etablir un syst?me ad?quat n’est pas impossible ? r?aliser; son ?tude et son ?laboration devraient ?tre le projet le plus important des pionniers de cette v?ritable d?mocratisation du Liban.

En conclusion, le Liban, privil?gi? par sa diversit? confessionnelle, ne peut aspirer ? la stabilit? que dans un contexte de vraie d?mocratie, c’est ? dire o? chaque citoyen n’a aucun privil?ge et ne ressent aucune frustration par rapport ? l’autre, et o?, ?lev? dans les valeurs de la d?mocratie, il r?cup?re le droit et les moyens de participer aux d?cisions qui le concernent.

Seul un Etat s?culier dans sa constitution et sa structure, qui respecte les droits des citoyens ?nonc?s par la d?claration universelle des droits de l’homme et consacr?e d?s 1926 par la constitution libanaise, en insistant plus particuli?rement sur le respect du culte et des croyances religieuses, pourra arriver ? la stabilit? tant recherch?e et saura ?tre un mod?le, et l’exemple ? suivre par toutes les soci?t?s des pays voisins quelles que soient leurs diversit?s : confessionnelles, ethniques ou tribales.”

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Hardly working for a safe environment including politics to give our grandchildren a better future.
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